M. De Lorimier, grand patriote Québécois, nous n'oublierons jamais votre courage et votre loyauté pour votre peuple.
Montréal, 15 février 1839.
"Mon exécution et celle de mes compatriotes d'échafaud vous seront utiles.
Puissent-elles vous démontrer ce que vous devez attendre du gouvernement anglais!...
Je n'ai plus que quelques heures à vivre, et j'ai voulu partager ce temps précieux entre mes devoirs religieux et ceux dus à mes compatriotes.
Pour eux je meurs sur le gibet de la mort infâme du meurtrier, pour eux je me sépare de mes jeunes enfants et de mon épouse sans autre appui, et pour eux je meurs en m'écriant: VIVE LA LIBERTÉ, VIVE L'INDÉPENDANCE!"
TEXTE COMPLET:
François Marie Thomas, Chevalier de Lorimier
Le testament
Le public et mes amis en particulier, attendent peut-être une déclaration sincère de mes sentiments.
À l'heure fatale qui doit nous séparer de la terre, les opinions sont
toujours regardées et reçues avec plus d`impartialité. L'homme chrétien
se dépouille en ce moment du voile qui a obscurci beaucoup de ses
actions, pour se laisser voir en plein jour. L'intérêt et les passions
expirent avec sa dépouille mortelle.
Pour ma part, à la veille
de rendre mon esprit à son créateur, je désire faire connaître ce que je
ressens et ce que je pense. Je ne prendrais pas ce parti, si je ne
craignais qu'on ne représentât mes sentiments sous un faux jour; on sait
que le mort ne parle plus, et la même raison d'état qui me fait expier
sur l'échafaud ma conduite politique pourrait bien forger des contes à
mon sujet. J'ai le temps et le désir de prévenir de telles fabrications
et je le fais d'une manière vraie et solennelle à mon heure dernière.
Non pas sur l'échafaud, environné d'une foule stupide et insatiable de
sang, mais dans le silence et les réflexions du cachot.
Je
meurs sans remords, je ne désirais que le bien de mon pays dans l'insurrection et l'indépendance, mes vues et mes actions étaient
sincères et n'ont été entachées d'aucun des crimes qui déshonorent
l'humanité et qui ne sont que trop communs dans l'effervescence de
passions déchaînées. Depuis 17 à 18 ans, j'ai pris une part active dans
presque tous les mouvements populaires, et toujours avec conviction et
sincérité. Mes efforts ont été pour indépendance de mes compatriotes;
nous avons été malheureux jusqu'à ce jour. La mort a déjà décimé
plusieurs de mes collaborateurs. Beaucoup gémissent dans les fers, un
plus grand nombre sur la terre d'exil avec leurs propriétés détruites,
leurs familles abandonnées sans ressources aux rigueurs d'un hiver
canadien.
Malgré tant d'infortune, mon coeur entretient encore
du courage et des espérances pour l'avenir, mes amis et mes enfants
verront de meilleurs jours, ils seront libres. Un pressentiment certain,
ma conscience tranquille me l'assurent. Voilà ce qui me remplit de
joie, quand tout est désolation et douleur autour de moi. Les plaies de
mon pays se cicatriseront après les malheurs de l'anarchie et d'une
révolution sanglante. Le paisible canadien verra renaître le bonheur et
la liberté sur le Saint-Laurent; tout concourt à ce but, les exécutions
mêmes, le sang et les larmes versés sur l'autel de la liberté arrosent
aujourd'hui les racines de l'arbre qui fera flotter le drapeau marqué de
deux étoiles des Canadiens.
Je laisse des enfants qui n'ont
pour héritage que le souvenir de mes malheurs. Pauvres orphelins, c'est
vous que je plains, c'est vous que la main ensanglantée et arbitraire de
la loi martiale frappe par ma mort. Vous n'aurez pas connu les douceurs
et les avantages d'embrasser votre père aux jours d'allégresse, aux
jours de fêtes! Quand votre raison vous permettra de réfléchir, vous
verrez votre père qui a expié sur le gibet des actions qui ont
immortalisé d'autres hommes plus heureux. Le crime de votre père est
dans l'irréussite. Si le succès eut accompagné ses tentatives, on eut
honoré ses actions d'une mention honorable. «Le crime et non pas
l'échafaud fait la honte.» Des hommes, d'un mérite supérieur au mien ont
battu la triste voie qui me reste à parcourir de la prison obscure au
gibet. Pauvres enfants! vous n'aurez plus qu'une mère tendre et désolée
pour soutien. Si ma mort et mes sacrifices vous réduisent à l'indigence,
demandez quelque fois en mon nom, je ne fus jamais insensible aux
malheurs de mes semblables.
Quant à vous, mes compatriotes, mon
exécution et celle de mes compatriotes d'échafaud vous seront utiles.
Puissent-elles vous démontrer ce que vous devez attendre du gouvernement
anglais!... Je n'ai plus que quelques heures à vivre, et j'ai voulu
partager ce temps précieux entre mes devoirs religieux et ceux dus à mes
compatriotes. Pour eux je meurs sur le gibet de la mort infâme du
meurtrier, pour eux je me sépare de mes jeunes enfants et de mon épouse
sans autre appui, et pour eux je meurs en m'écriant: Vive la liberté,
vive l'indépendance!"
,
La Journée nationale des Patriotes au Québec a heureusement remplacé l'infâme "fête de la reine".
,
jeudi
15 février 1839, souvenons-nous des Patriotes Québécois
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