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Lettre aux libéraux canadiens qui "s'inquiètent" de leur sort au Québec

 Lettre au Parti libéral du Canada qui se pose des questions sur le Québec
- 17 juillet 2012
 
 


Chers amis du Parti libéral du Canada,


La Presse nous apprenait ce matin que vous vous inquiétez.

Vous vous demandez pourquoi vous n’avez plus d’appuis au Québec.

Et pourquoi les Québécois francophones refusent depuis des années de vous faire confiance.


Vous croyez avoir une explication simple: c’est la faute au scandale des commandites!

Les Québécois vous en veulent encore, croyez-vous. Et vos grands stratèges ajoutent: c’est parce que nous avons refusé de nous en excuser.

La solution? Un peu de repentance, et vous sortirez de votre pénitence électorale.

Vous repartirez alors à zéro. Vite! Il faut jouer la scène des grandes excuses publiques. Du passé, vous feriez enfin table rase!


Ok. Comment dire, amis libéraux?  C’est plus compliqué que ça.

Ce n’est pas que le scandale des commandites, d’argent ou de corruption. 
Derrière les commandites, il y avait quelque chose de beaucoup plus gros.


C’est que ce scandale ne venait pas de nulle part. Il était le dernier écho du coup de force de 1982.  Je vous parle du rapatriement unilatéral de la constitution.  Je vous parle d’une révolution dans l’histoire constitutionnelle canadienne. Qui s’est jouée contre le Québec.


De l’histoire ancienne? Pas tant que ça.  Une constitution influence en profondeur un peuple. Elle est faite pour ça, d’ailleurs. Une constitution pose les fondements du pouvoir dans un pays. Elle le structure, le charpente.


On peut s’en moquer. Elle ne se moque pas de nous.


Vous vous souvenez de 1982?

De la Constitution que Pierre Elliot Trudeau a imposé de force, contre l’Assemblée nationale du Québec, alors qu’il avait promis, au référendum de 1980, de s’ouvrir aux revendications historiques du Québec?

C’est une page noire de notre histoire.

La Constitution de Trudeau nie le Québec.

Il n’est plus un peuple sur deux mais une province sur dix.
Il n’est plus une nation fondatrice, mais une communauté culturelle parmi d’autres
.



Pour vous, ce Canada, il est sacré. Quiconque le remet en question passe pour hérétique. D’ailleurs, au moment de Meech, en 1990, lorsqu’on a cherché à faire reconnaître le Québec comme société distincte, les héritiers de Trudeau s’y sont opposés. On aurait gâché son œuvre.


Au référendum de 1995, les Québécois sont venus bien prêt de quitter ce Canada qui avait renié la théorie des deux peuples fondateurs. 
Ils ont voté oui à 49,4% à l'indépendance (les francophones à 61%).

Le Canada a eu chaud. Il avait failli se rompre. Il s’est dit: plus jamais ça.

Il a misé sur le plan B. Ça aussi il faut s’en souvenir. Il ne fallait plus accommoder les Québécois mais combattre leur nationalisme. Ce plan B, vous l’avez porté. Il diabolisait le nationalisme québécois. Il menaçait le Québec de partition. Son grand stratège siège encore avec vous, soit dit en passant.


En son cœur, il y avait la loi C-20. Avec elle, le Québec n’a le droit de quitter qu’avec la permission du Parlement fédéral. Ce dernier, par ailleurs, serait seul juge de la clarté de la question référendaire.  On appelle cela une mise en tutelle et un déni du droit à l’autodétermination du Québec.


Les commandites, scandale d'un quart de milliard $, s’inscrivent aussi dans le contexte du Plan B. Il fallait acheter la loyauté. Du moins celle de la frange de leurs élites qui a toujours trouvé dans sa capacité à faire accepter aux Québécois leur subordination politique la condition de ses privilèges. Ça devait être ça, le fédéralisme rentable.


Alors, vous comprenez, tout cela est compliqué. Les Québécois n’ont pas des griefs superficiels à votre égard. Il leur arrive d’avoir plus de mémoire qu’on croit.



Le PLC (le Canada?) veut s’excuser pour quelque chose?



1. Qu’il s’excuse d’avoir imposé au Québec une constitution qui diminuait les pouvoirs de l’Assemblée nationale.


Qu’il s’excuse d’avoir imposé un régime politique où la Cour suprême peut déconstruire la loi 101 adoptée au Québec pour protéger sa langue.

2. Qu’il s’excuse de nous avoir imposé la religion du multiculturalisme qui marginalise chez elle la nation québécoise et justifie l’idéologie des accommodements raisonnables.


Qu’il s’excuse de nous avoir imposé une Charte des droits qui consacre pratiquement le gouvernement des juges.

3. Qu’il s’excuse de nous avoir imposé la loi C-20 et d’avoir mis en tutelle l’Assemblée nationale.


4. Qu’il s’excuse d’avoir diabolisé le nationalisme québécois pendant des années en le présentant comme une passion xénophobe. Qu’il s’excuse d’avoir cherché à acheter la loyauté des Québécois.


Oui. Qu’il s’excuse de tout cela.

Et surtout, qu’il agisse en conséquence.

Qu’il amende sa constitution, qu’il désavoue l’héritage de Trudeau, qu’il s’ouvrira aux revendications historiques du Québec, qu’il n’essaiera plus jamais de nuire à la loi 101 et qu’il plaidera pour son application aux entreprises fédérales, par exemple.


Mais il ne s’excusera pas de ça. Bien sûr que non. Parce qu’il est fier de son héritage. C’est justement là le problème du PLC au Québec. C’est l’héritage dont il est fier qui l’empêche de se réconcilier avec les Québécois francophones.

C’est l’idéologie qui lui sert d’identité politique qui l’empêche de renouer avec eux.

Le remariage est impossible.


Les Québécois francophones ne sont pas pressés d’aller vers l’indépendance, d’accord. 

Cela ne veut pas dire qu’ils sont prêts à embrasser ceux qui l’ont floué et s’en font encore une fierté.



Mathieu Bock-Côté

(Pierre-Elliott Trudeau)
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