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samedi

École des HEC à Montréal et l'anglais: l'insulte, le mépris, la guerre

HEC : Intégration ou capitulation ?

Adapté de Louis Préfontaine, "Le dernier Québécois".

« Ces étudiants  n’échappent pas complètement au français. Ils vont à la cafétéria manger du pâté chinois et non du Chinese pâté. Ils sont confrontés au français, puisqu’ils baignent dans un environnement en français ».
Kathleen Grant, directrice des communications HEC Montréal, parlant du nouveau programme unilingue anglais des HEC.

kathleen.grant@hec.ca

La lettre ouverte de Michel Patry, directeur des HEC, concernant l’anglicisation de ce qui fut jadis une grande université francophone, et en complément de cette incroyable ânerie proférée par Kathleen Grant, est sublime. En quelques paragraphes, il ressasse l’ensemble des préjugés qui gangrènent notre société et limite sa capacité à assurer non seulement le futur de sa langue, mais également de son éducation en tant que bien collectif.

Premier préjugé : « l’ouverture à la mondialisation
».

Sa lettre étant intitulée « S’ouvrir à la mondialisation », cette préconception bébête est centrale : l’auteur considère que c’est la langue anglaise qui permet de « s’ouvrir sur la mondialisation », une vision discutable et galvaudée voulant  que la « mondialisation » serait une fin en soi et souhaitable, qu'elle serait durable et qu'elle ne devrait se faire qu’en anglais.

Or, tous ces arguments ne sont que des opinions hautement discutables: il n'est pas clair que la mondialisation soit souhaitable, l'anglais n'est pas la langue d'affaires universelle, et en fait elle perd de son lustre en même temps que le dollar perd son statut de valeur refuge.

Donc, si on part du principe que la mondialisation est quelque chose de souhaitable – ce qui reste à démontrer, comme je l’ai écrit, et nous en reparlerons à une autre occasion – l’anglicisation des HEC contribue à favoriser la formation de futurs étudiants adaptés au monde d’hier. Des individus qui arriveront sur le travail à un moment où c’est le mandarin qui sera en demande et où une armée d’anglicisés se battra pour un nombre de postes réduits. On est loin d’une « relève québécoise [qui] mérite une excellente formation qui la prépare à affronter une concurrence de plus en plus mondialisée ».

Deuxième préjugé : la mission des HEC.

M. Patry des HEC propose un argumentaire selon lequel il serait normal que les HEC favorisent la compétitivité avec le reste du monde. Il propose donc cette anglicisation comme une manière d’y arriver. Cela pose un problème fondamental : en quoi le fait d’angliciser notre jeunesse contribuerait-il à nous donner, collectivement, un avantage sur le reste de la planète ?

Qu’on me comprenne bien : ce qui fait notre spécificité, ce qui constitue notre avantage, c’est PRÉCISÉMENT le fait que nous parlions français. Cela FORCE les entreprises désireuses de s’établir au Québec à s’assurer une maîtrise de notre langue. Ce n’est pas en parlant anglais que nous serions plus « compétitifs ». Nous serions simplement plus faibles car nous perdrions une partie de nous-mêmes, de ce qui fait notre originalité, notre spécificité.
Individuellement, un étudiant qui apprend l’anglais pourrait quitter pour les États-Unis, y gagner beaucoup d’argent, et grand bien lui fasse. Mais la mission d’une université financée par l’État n'est pas l’enrichissement d'individus qui quittent ensuite le Québec pour aller s'enrichir davantage ailleurs; sa mission doit être l’enrichissement collectif des Québécois en respectant nos valeurs profondes.

Le Québec est déjà le 27e État le plus productif dans le monde, devant 160 autres États. 
En anglicisant nos jeunes, nous ne sommes pas "compétitifs" ; nous sommes à genoux.


Troisième préjugé : l’intégration.

La pire des conneries proposées par M. Patry est celle-ci :
HEC Montréal se fait aussi un devoir d’offrir aux communautés linguistiques des cheminements facilitant l’intégration d’étudiants dont le français n’est pas la langue maternelle. Nous observons que plusieurs étudiants étrangers souhaitent connaître le Québec et s’y installer. Si nous ne mettons pas en place les structures d’accueil (en anglais!) facilitant leurs études et leur intégration, un établissement comme le nôtre les perdra [...].
C’est incroyablement loufoque:  M. Patry suggère qu'en facilitant l'accès à l'anglais pour les immigrants, nous renforcerions le français! Nous ferions venir des gens de l’autre bout du monde, nous leur enfoncerions de l’anglais dans la gorge du matin au soir, ceux-ci pourraient ensuite se faire servir en anglais un peu partout au centre-ville (merci à la bilinguisation forcée de notre jeunesse), et cela renforcerait leur intégration!
M. Patry nous prend pour des idiots.
En terme de connerie, c’est à peine un iota moins pire que Kathleen Grant.

Toutes les études ont démontré que c’est le travail qui est le principal vecteur d’intégration. Et les études ont également démontré que la langue de la scolarité influe directement sur la langue du travail

En clair, on ne participe pas à l’intégration des immigrants en les éduquant, à nos frais, en anglais. On participe plutôt à leur exclusion, on encourage leur replis sur soi et on nuit à leur capacité et à leur désir à apprendre la langue des Québécois. On leur lance le message suivant : « Jusqu’au cœur des institutions québécoises, c’est l’anglais qui vous ouvre les portes ». Croyez-vous sérieusement qu’on va intégrer un immigrant de cette manière ? Cet argument de M. Patry est indigne de sa fonction.

« Sucer debout, c’est ça se tenir drette »
C’est le groupe Loco Locass qui chantait : « Sucer debout, c’est ça se tenir drette ». Bien qu’il parlait du Parti Libéral du Québec / Quebec Liberal Party et de ses liens incestueux avec le monde des affaires, on pourrait appliquer cet adage aux HEC.
D’une institution dont le premier président Canadien-français fut Esdras Minville qui dénonçait l’anglomanie de ses pairs et était désireux de faire des HEC le fer de lance de l’affirmation nationale des Québécois en matière d’économie, les HEC sont devenus l’équivalent des Business schools anglo-saxonnes privées, formant avant-tout des individus et oublieuse de son rôle social.  Les HEC agissent comme une entreprise privée, mais ils sont payés avec l’argent de nos impôts. Il y a là une incompatibilité totale.
L’éducation constitue un bien collectif. La preuve est son large financement par l’État, qui espère recevoir des retombées via une population plus éduquée, des salaires plus élevés, des citoyens moins susceptibles d’avoir affaire avec le système judiciaire.

* * *
Un texte qu’il faut lire : Le chiard et le Chinese pâté.
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