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La tyrannie douce et banale

La tyrannie douce et banale  (Alexis de Toqueville, 1805-1859)
"J'imagine quels traits nouveaux le despotisme pourrait prendre dans le monde.
Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent même leur âme.
Chacun d’eux est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis forment pour lui toute l’espèce humaine.
Ses autres concitoyens sont à côté mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point. Il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul et, s’il lui reste encore une famille, il n’a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Ce pouvoir est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux.
Ce pouvoir ressemblerait à la puissance paternelle s’il avait comme objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance.
Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent QU’À se réjouir.
Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre.
Il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assurer leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions et divise leurs héritages.
Peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?"

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