lundi
Journal d'une "maîtresse d'école"
Extraits de cette lettre publiée dans Le Devoir
Je suis une maîtresse d'école. Ou plutôt j'étais, car, avant d'être trop amer, je suis parti et suis devenu aubergiste. J'étais un des trop rares hommes qui enseignent au primaire.
Je suis une maîtresse d'école mais je ne fais pas qu'enseigner. Je suis passée directement de ma cuisine à ma classe. Je fais presque tout mon secrétariat, le ménage et le rangement de ma classe, je soigne, je garde, je surveille, j'encadre, j'élève des enfants et, dans le temps qu'il me reste, j'enseigne. Aucun enseignant du secondaire, du collégial ou de l'université n'accepterait d'accomplir pareilles tâches. Et il aurait bien raison...
J'ai enseigné près de vingt ans dans cet univers de femmes, et cela m'est toujours apparu comme une évidence: l'école primaire reste calquée sur l'univers des femmes à la maison.
Par exemple, à tous les ordres d'enseignement, on a des espaces prévus pour les enseignants. On appelle cela des bureaux. Pas au primaire. Un bureau, c'est un espace physique bien défini où un enseignant peut se retirer afin de s'outiller pédagogiquement, afin de planifier et d'organiser son enseignement, pas une classe où, midi et soir, concierge, enfants, collègues entrent comme dans un moulin; pas un local où s'installent malgré vous le service de garde, la période des devoirs ou le service des loisirs de la municipalité.
Une évidence: si déjà, au primaire, vous n'armez pas le béton sur lequel reposeront les fondements du savoir, tout l'édifice risquera de s'écrouler plus tard. Alors que l'on cherche partout des explications à la crise dans l'éducation, on ne s'est jamais rendu compte que les enseignantes du primaire font mille et une autres choses qu'enseigner. À ce que je sache, au secondaire, au collégial, à l'université, la tâche est entièrement consacrée à des activités d'enseignement et pédagogiques. Simple bon sens.
Au primaire, sur une journée de 5,5 heures en présence élève, une enseignante consacre près d'une heure en surveillance, encadrement et déplacement; une autre en gestion de classe, règlement de conflits et discipline; une autre en ménage, rangement, imprimerie, classement et mille autres petits préparatifs avec ou sans ses élèves; une autre à mille et une autres activités collatérales liées à l'école, à la municipalité, aux services communautaires. Si, à la fin d'une journée, il reste trois petites heures, solides, d'enseignement, c'est déjà inespéré.
Madame la Présidente de mon syndicat, laissez les enseignantes enseigner. Reléguez la maîtresse d'école aux oubliettes.
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